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JE NE ME TIENS PAS BIEN À CARREAUX
À la mémoire de Fernande Zang
Dorénavant sans ciel avec torchon d’aïeule un fantôme
Un revenant coton autant dire un nuage passé troué
Autant dire que je pleure dans le grand mouchoir que ça devient
Dieu perce rien on sait bien qu’y ’xiste pas guère

Il y a des pâquerettes et du vide en ce morceau de tissu
Un jour fut sur l’épaule de grand-maman jeune femme
Un jour c’est dans le temps d’avant le temps navrant
Je vois des têtes de frères dans les buissons avec épines et liserons
Je vois les oreilles du cheval qui dépassent plus loin
La petite sœur boude quelque part dans le trèfle à trois feuilles ou sous le hangar en tôle grincheuse
Et moi où ai-je la tête

Pas dans la cuisine avec l’éponge au dos très vert gratteux
Les queues des casseroles comme les oreilles du cheval attention
La lettre du père noël dans le livre aux 365 recettes
La lettre du père fouettard confettis qu’on fit tard
Torchons serviettes coulants les nœuds
Ma caboche pas plus là qu’un canard sous la table encore que
Dans cette mômerie on trouve de tout et de memôire
Alors pourquoi pas sous la table à rallonges des gronde partance

Les canards étaient vrais ou faux
On n’a jamais une tête de trop
Même aux vécés avec les journaux les grillons les étrons
On a rarement une tête sans tronc

Et je ne perdrai pas la main dans ce torchon
Ce linge pas lange quoique
Ça marcherait dans une petite chanson
Une petite chanson domestique de joie dissoluble
Qu’un lange y vole

Torchon dérobé à l’armoire pour mémoire et non
Rectangle de toile qu’on utilise pour essuyer la vaisselle
Serpillière belge ou encore texte écrit sans soin
Et s’il brûle c’est de l’eau dans le gaz

Torchon comme une guitare
Un joli coup, un nénuphar
Une minuscule nappe de fortune
(Le hasard rime avec la lune
Et le violon n’est pas jaloux)

Ceci n’est peut-être pas carrément un poème
Mais je me demandais pourquoi j’avais envolé ce torchon
De l’armoire de grand-mère lorsqu’elle est morte hier
Les motifs n’en sont pas des pâquerettes mais deux canards
Deux gros canards et douze oranges
Qu’elles roulent les oranges qu’ils montent les canards lourds
Au paradis perdu toujours
Parmi les pélicans les grues les pères ubus
Et tout ce que je ne sais plus

Nous sommes les sans ciel nous essuyons
Qu’ils montent l’essentiel les canards aux oranges
À présent je comprends un rien de quelque chose
J’ai subtilisé ce torchon
Pour trouver mes paroles
Je sais que ma grand-mère me pardonne d’être drôle
Avec du machin grave

Elle veut bien que l’on rie de ce qu’elle avait mis
Mémé ses deux maris dans le même caveau dans le même infini où elle les rejoignit
Grave c’est tombe outre-Manche prononcé autrement
Je retrouve toute ma tête elle est dans le mouchoir
Le mouchoir de géant le torchon du vieux temps
Et elle tourne sûrement.
NOT KEEPING MY NOSE CLEAN
i.m. Fernande Zang
From this day on no sky a granny’s rag a ghost
A cotton phantom you could say a faded holey cloud
Could call it crying in the great big handkerchief it makes
God can’t see through it we all know he didn’t never exist

There are daisies and emptiness in this scrap of cloth
One day it graced gran’s shoulder when she was young
The next it’s part of the time before the dreadful time
I can see brothers’ heads in the bushes with thorns and bindweed
And further on I see the horse’s ears sticking up
The little sister sulking somewhere in the three-leafed clover or under the big shed’s growly corrugated roof
And where have I left my head

Not in the kitchen with the scratchy very green-backed sponge
The saucepan-handles like the ears of horses careful how you touch
The father christmas letter in the cookbook recipe a day
The note from father flog we finally made mincemeat of
Rags and napkins slipping like a knot
My headpiece gone as an under-the-table duck
While in this childishness you find it all by heart
So why not under the drop-leaf table while it takes its leaves

The ducks were true or false
And never an unwanted head
Even in the lav with the newspapers crickets bobbing turds
Hardly ever a severed head

And I won’t lose my hand in this cloth
This drying-up nappy-it’s-not
Though it’d be fine in a song
A little household song of fast-dissolving bliss
For a nappy to flap in

Tea-towel nicked from the cupboard for memory’s sake and not
An oblong of fabric you use to wipe the crocks
Or a Belgian mop a sloppily written text
And if it burns there’s water in the gas

A cloth like a guitar
A wonderwipe, a star
Of water-lily tiny impromptu table laid by chance
(Luck rhymes with the radiance
Of moonshine and the violin’s not envious)

This may not be exactly what we mean
By poem but I was wondering why I’d whisked this cloth away
From grandma’s wardrobe yesterday when she died
The pattern isn’t daisies but two ducks
Two big fat ducks twelve oranges
And let them roll away the oranges and let the heavy ducks
Rise up for ever to a paradise that’s lost
Among the pelicans the cranes the Père Ubus
And everything mislaid with my loose screws

We are the skyless we soak up
Let them rise to their oranges ducks the thing that counts
These days I understand a tiny nothing bit of something
I’ve secreted this
To find my words
I know my gran forgives me my sense of fun
With some serious stuff thrown in

She’s glad for us gran to laugh at her for having put
Both of her husbands in the selfsame vault the same infinity
Grave is a tomb across the Channel differently pronounced
I’ve found my head again all in one piece it’s in the hanky
Giant’s hanky tea-towel of time past
And it’s turning surely.