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SANG
Tu es belle. Et je suis fou.

Corps de pierre. Corps solaire. Corps solitaire. Lactescence estivale. Echancrure sauvage. Tu es ma chair d’ivoire. Astre noir. Mon obscène territoire. Tu m’emmures sous le dôme des lamentations. Ma succulence permise. Ma maîtresse. Ma connivence sensuelle. Ma lunaire tyrannique. Princesse endiablée. Lacis de sueur. Idole enrobée de soie. Et d’épines.

Œuvre de feu et de sang. Les aréoles de tes lèvres épousent et entaillent ma peau. Assèche-moi. Je suis désert. Flagelle-moi. Je suis esclave. Inféode-moi. Je suis ta propriété. Ton bibelot. Je plisse ta nuque. J’éploie ton ventre. Dunes célestes. Ta chevelure est une liasse de flammes. Tes yeux un ouragan de sable. J’éventre ta langue engorgée et me désaltère. Elle est hostie pour ma bouche infidèle. Elle est calice pour ma bouche hérétique.

Je renonce au devoir. A la raison. Je suis dévot aux lieux de la débauche. Je suis mendiant au seuil de ta taverne. Je m’abreuve aux sources hallucinées. Opium et vin. Je renifle tes arômes opiacés. Je mords tes ébréchures alcoolisées.

Je suis celui revêtu de guenilles qui lave et baise tes pieds. Je veux boire. Encore boire. Encore boire. Et me dissoudre sous les osmoses de l’ivresse.

Je suis amant de l’amour. Celui revêtu de laine. Celui revêtu de crasse et de boue.

Celui qui se prosterne sur ton corps. Lieu de vénération. Lieu de prière.

Celui qui à l’aurore de ton voile récite les silences de tes yeux. Celui qui glane des nattes de sang sur ton mausolée.

Et tu es mon livre sanctifié. Mon poème.

Et je suis poète fou qui quémande le sens de ton verbe. Et je suis poète fou qui vole la parole.

Poète fou qui dérobe ses obéissances. Poète fou qui professe une parole transmuée.

Parole incantatoire pour te célébrer et te créer. Parole au-delà de la parole pour t’aimer.

Et tu es ma féconde indélicate. Celle qui me purge de mes lassitudes. Celle qui reflue mes fautes et mes rancœurs. Celle qui coalise extase et douleur

Et ton nectar infeste mes rêves les plus nonchalants. Ton nectar infeste mes repentirs nocturnes.

Tu es festin que je romps et qui me corrompt.

Et je déguste ta gorge blanche. Je hume tes senteurs épicées. Je soutire tes sèves tuméfiées.

Et tu es ma vanité. Ma lascive. Ma vierge indécente.

Tu sillonnes les mers vengeresses et les rues fétides. Tu sillonnes ma carcasse avide et mes plaisirs terrifiés. Tandis que ma salive adultère encore tes lèvres. Tandis que les liqueurs dédiées à la jouissance suturent encore ta peau fissurée.

Tu es femme et la nuit carnassière froisse les tombeaux. Tu es femme et le ciel exsude des flocons de pierre.

Tu es femme et l’océan se désertifie et la terre se décalcifie. Tu es femme et les bêtes frémissent les signes de l’apocalypse.

Et tu es belle. Ma gazelle opaline. Eau qui pleut entre mes cils. Soupirs qui veloutent mes songes. Safran qui pave mes cicatrices.

Et tu es belle. Ma douce. Ma moelleuse. Ton visage une aube lumineuse. Nébuleuse bleue. Collier de poussière d’étoiles. Collier de promesses infinies.

Et tu es belle. Mon trésor caché. Coulis de diamants. Tresses de perles. Canevas de rubis. Je suis l’orfèvre de tes enchantements. De tes paresses.

Et tu es belle. Femme-île. Ile-femme. Je résilie les ailleurs et m’assermente insulaire. Je suis phare dressé sur ton nombril. J’éclaire les cantiques de tes luxuriances.

Et je veux encore longtemps ramper tel un animal sur ton linceul. Et le rapiécer avec mon sang. Et m’endormir mêlé – à mon refuge – à ton corps livide.

Et je noircis mes yeux avec les cendres de ma lune noire. Et je renie les théâtres convulsés et frivoles de l’éphémère. Et ma chair soumise et aveuglée se livre aux obsessions et aux intolérances de ton culte.

Et je suis corps-instrument. Corps-tabla. Corps-ravane.

Et tu me cadences dans les tranchées de tes lèvres. Et tu m’excises sur ton crucifix.

Et tu es miroir.

Et tu infléchis la migration des astres. Et tu enneiges les soleils.

Tu es miroir. Et tu décolores les incarnats vénéneux du mal.

Tu es miroir. Et dans tes abîmes je déracine mon moi afin d’être toi.

Tu es miroir. Et je te fracasse.

Et tes scissures tranchent mes veines. Et mon sang longtemps après ma mort moissonnera ton souffle sur les esplanades de la folie.

Et je suis poussière qui cerne niche incandescente.

Coeur du monde.

Et je décapite les têtes de ceux – mécréants et fidèles – qui à tes pieds se vautrent mais qui ne savent déterrer les alchimies de l’amour.

Et je vagabonde dans ma barque fragile avec les âmes proscrites et maladives.

Et je donne à manger à l’estropié. Je chante les infamies avec le lépreux. Et mon corps est abri pour le chien galeux. Et mon corps est armure pour le clochard. Et mon corps est puits pour les larmes de la femme déchue.

Et en leur demeure qui est ma demeure je converse avec les fous.

Et nos lèvres ensanglantées dansent paroles inspirées qui récitent les versets de l’amour.

Et tu es belle. Ma fée noire. Ma blessure noire. Et je veux exténuer prunelles noires qui creusent des verbes dans ma peau. Et cisailler rêve d’ébène. Ecorcer ce rêve d’ébène.

Extraire son essence et démêler tes extravagances.

Et je psalmodie ton nom quand le néant m’engloutit. Et j’invoque ton nom quand la guerre vomit des cadavres d’enfants.

Et j’implore ton nom quand mes larmes s’effacent et que je ne veux et ne peux plus pleurer.

Et je suis en attente.

Du suc noir qui innerve tes courbes. Du suc noir qui encre ta chevelure.

Et je suis en attente.

Du suc noir qui peuple ta peau. Du suc noir qui enfle ta rage.

Qu’il m’entaille et qu’il m’empale. Qu’il m’abandonne en pâture à la foule bouffonne et cruelle.

Car je ne suis rien.

Et je veux mourir.

Et je guette luminescences qui annoncent mon sacrifice.

Affûtez vos sabres mes amis.

Car je ne reconnais ni la mort ni la vie.

Car mourir c’est renaître en toi. C’est être toi.

Et tu es belle. La plus belle.

Et je voyage hors des enclaves du temps.

Je suis amant de tous tes lieux. Là où tu as été et là ou tu seras.

Je suis père et je t’ai imaginée. Je suis mère et je t’ai façonnée. Je suis ton premier sourire et ta première gorgée de lait.

Je suis les terres que tu as foulées. Et les ciels que tu as désertés. Je suis tes mains dépliées à l’heure de la prière. Et tes mains nouées à l’heure de la douleur.

Je suis les houles que tu as caressées. Et les tourmentes que tu as apaisées.

Je suis les lettres qui cisèlent ton prénom. Et le livre sacré qui recèle nos conjugaisons.

Je suis les mains qui berceront ton dernier souffle. Et les mains qui t’endormiront dans ton tombeau.

Et je t’aime.

Et un seul atome de ton amour me rassasie. Et me resplendit.

Un seul atome de ton amour ampute mes laideurs. Et expurge mes pourritures.

Un seul atome de ton amour suffit à ce que je m’oublie.

Et je ne pense qu’à toi.

Un seul atome de ton amour me béatifie. Et je suis l’élu.

Et je t’aime.

Et tu es en toutes choses.

Tu es soleil qui débride les gangues de l’obscur. Soleil qui écarlate les indolences des océans.

Tu es les larmes qui inaugurent les coutures de l’aube.

Larmes qui fêtent la sécession des crépuscules. Larmes qui fauchent les cavalcades des lunes.

Et tu es en toutes choses.

Tu es les âmes violentées. Et les monstres qui nous assaillent.

Et les haches qui embaument nos prunelles.

Tu es les fugaces de l’amour au coucher de nos haines irrémédiables.

Tu es reliquat de neige et rafales de feu qui tamisent mes nuits.

Et je t’aime

Et je suis solitaire prostré dans le désert.

Et je jeûne.

Et je lapide les spectres des ailleurs.

Et je jeûne.

Mon corps encerclé une plaie. Une crevasse.

Une dépouille et un habitacle pour tes éblouissements.

Toi.

Et tu es belle.

Et je vois entrelacés dans tes yeux ambrés et dans ton corps diaphane le paradis et l’enfer.

Et je ne désire ni la grâce ni les damnations mais ton amour.

Ton amour seul.

Et je t’aime.

Je bannis mon coeur afin d’être ton coeur.

Je m’arrache à moi-même afin de vivre en toi.

Accorde-moi l’extinction.
BLOOD
You are beautiful. And I am mad.

Body of stone. Body of sun. Body alone. Summer milkiness. Neckline’s wild plunge. You are my ivory flesh. Black star. My province of obscene desire. You seal me up in walls beneath the dome of lamentations. My permitted succulence. My mistress. My connivance of the senses. My tyrannical moon-being. My possessed princess. My filigree of sweat, my idol wrapped in silk. And thorns.

Work of fire and blood. Your circling lips marry and notch my skin. Dry me. I am a desert. Whip me. I am a slave. Make me your vassal. I am your thing. Your trinket. I pleat up your nape. I open out your belly’s secrets. Your celestial dunes. Your hair is a sheaf of flames. Your eyes a hurricane of sand. I slit your swollen tongue and quench my thirst. It is a sacred wafer for that infidel, my mouth. It is a chalice for my mouth, heretical.

I renounce all duty. Reason. I am a worshipper in places of excess. I am a beggar at the threshold of your tavern. I quench my thirst hallucinating at your springs. With opium and wine. I sniff your opiate fragrances. I bite your intoxicating nicks and cracks.

I am the one in rags who bathes your feet with kisses. I want to drink. And drink again. And drink. And then dissolve, sucked up by the small cells of drunkenness.

I am love’s lover. The one in wool. The one in clothes of mud and grime.

The one who prostrates himself across your body. I am the place of veneration. The place of prayer.

The one who at your veil’s first light recites your eyes’ silences. The one who gleans braids of blood on your mausoleum.

And you are my sacred book. My poem.

And I am a mad poet begging for the meaning of your verb. And I am a mad poet stealing words.

Mad poet pocketing his gestures of obedience. Mad poet who declares a transmuted language.

Words of incantation to celebrate and create you. Words beyond words to love you.

And you are my fertile one, my indecorous one. The one who purges me of all my weariness. Who ebbs away my faults and my resentments. Who brings together ecstasy and pain.

And your nectar permeates my most unruffled dreams. Your nectar saturates my night repentances.

You are a feast I break, a celebration which corrupts.

And I savour your white throat. I breathe your spicy scents, decant your swelling beads of sap.

And you are my vanity. My lustful one. My shameless virgin.

You criss-cross the vengeful seas, the fetid streets. You criss-cross my greedy carcass and my terrified delights. While my saliva still besmears your lips. And while the liquors of enjoyment dry to threads stitching your fissured skin.

You are a woman and the hungry dark crumples the graves. You are a woman and the sky exudes flakes of stone.

You are a woman and the ocean dries to desert and the earth decalcifies. You are a woman and the animals are shivering apocalyptic signs.

And you are beautiful. My opaline gazelle. The water that rains down between my lashes. Sighs which stroke my dreams to velvet. Saffron to dress the surface of my scars.

And you are beautiful. My gentle one. My yielding one. Your face a shining dawn. Blue nebula. A necklace of the dust of stars. Necklace of endless promises.

And you are beautiful. My hidden treasure. Ripple of diamonds. Tresses of pearls. Canvas of rubies. I am the silversmith of your enchantments. Of your idleness.

And you are beautiful. A woman-island. Island-woman. I revoke my elsewheres, take my island-dweller’s oath. I am a lighthouse built on your belly-button. I light up the canticles of your luxuriance.

And I still want for years to come to crawl like an animal across your shroud. And patch it with my blood. And go to sleep co-mingled with my refuge – with your bloodless body.

And I black my eyes with the ashes of my black moon. And I disclaim the frivolous distorted dramas of the fleeting. And my blinded subject flesh gives itself up to the obsessions and the prejudices of your cult.

And I am a body-instrument. A body-tabla. A body-ravane.

And you give me rhythm in the furrows of your lips. And you excise me on your crucifix.

And you are a mirror.

And you inflect the migration of the stars. And wreath the suns in snow.

You are a mirror. You suck the crimson out of evil’s poisonous reds.

You are a mirror. Deep in your glass I uproot myself in order to be you.

You are a mirror. And I shatter you.

Your fractures slice my veins. Long after I have died my blood will collect your breath on madness’s esplanades.

And I am dust circling a white-hot niche.

The world’s heart.

And I cut off the heads of those – faithful and unbelievers – who wallow at your feet but who cannot unearth the alchemies of love.

And I drift about in my fragile boat with the souls of the outlawed and the weak.

And I give the lame to eat. I sing of infamy with lepers. And my body is a shelter for the mangy dog. And my body is a suit of armour for the tramp. My body is a well for the fallen woman’s weeping.

And in their dwelling-place which is my dwelling-place I converse with madmen.

And our bloody lips are dancing inspired words reciting verses from the book of love.

And you are beautiful. My black fairy. My black wound. And I want to exhaust black pupils excavating verbs inside my skin. And chisel an ebony dream. To strip the bark from this ebony dream.

Extract its essence and unravel all your strange excesses.

And I chant your name as nothingness engulfs me I invoke your name when war throws up the bodies of dead children.

And I implore your name when my tears are wiped away and I no longer want to, can no longer cry.

And I am in waiting.

For the black sap that runs like nerves within your rounded flesh. For the black sap which inks in your hair.

And I am in waiting.

For the black sap which populates your skin. For the black sap which swells your rage.

Let it cut into me, impale me. Let it abandon me as fodder for the spiteful crowd of clowns.

For I am nothing.

And I want to die.

And I watch for glimmers which foretell my sacrifice.

My friends, sharpen your sabres.

For I do not recognise either death or life.

For to die is to be reborn in you. It is to be you.

And you are beautiful. You are the most beautiful.

And I am travelling beyond the bounds of time.

I am the lover of all your places. Where you have been and where you will be.

I am a father and I have conjured you in my imagination. I am a mother and I have fashioned you. I am your first smile and your first gulp of milk.

I am the tracts of land which you have trampled. And the skies you have deserted. I am your hands unfolded at the hour of prayer. And your hands knotted at the hour of pain.

I am the swelling seas you have caressed. And the raging tumults you have calmed.

I am the letters that chisel your first name. And the sacred book which holds the secret of our conjugations.

I am the hands that will rock your final breath. And the hands that will stroke you to sleep inside your tomb.

And I love you.

And a single atom of your love can satisfy my hunger. And makes me shine.

A single atom of your love amputates all my unsightliness. And purges me of my rottenness.

A single atom of your love and I forget myself.

And I think of you alone.

A single atom of your love and I am beatified. I am the chosen one.

And I love you.

And you are in all things.

You are the sun untying the restraints of dark. The sun that casts its scarlet glow across the oceans’ indolence.

You are the tears that burst across the seams of dawn.

The tears that celebrate secessions of the dusk. The tears that mow down cavalcades of moons.

And you are in all things.

You are the souls under assault. And the monsters that attack us.

And the axes that embalm our eyes.

You are love’s transients as we lay down our irreparable hates.

You are the last remaining snow and bursts of fire that sift the ashes of my nights.

And I love you.

And I am a man alone prostrated in the desert.

And I fast.

And I stone the spectres come from other places.

And I fast.

My encircled body is a wound, a crevasse.

An empty skin and dwelling-place for your amazements.

You.

And you are beautiful.

And I see hell and heaven intertwined in your amber eyes and in your filmy body.

And I desire neither mercy nor damnation but your love.

Your love alone.

And I love you.

I banish my own heart so I can be your heart.

I tear me from myself so I may live in you.

Grant me extinction.