C’est beau
De ne pas savoir d’où viennent les choses
Les enchaînements secrets
Sont plus fins
Il est des intrigues
Au milieu desquelles on oublie
Le début, n’attend plus la fin
Quelques instants encore
Tout peut tout pénétrer.
Ça commence comme ça, au milieu
D’une conversation : le marché a déjà fleuri
Sur la place brûlant
L’étape des bourgeons
Et pour appeler cette ville
Venise il a fallu bien camoufler
L’infrastructure, placer
Savamment des branchages
Mikado sur la fosse d’orchestre.
Les marchandises acheminées
Par des convois sans phares
Silencieusement la nuit
Rivalisent avec la nature.
Remboursez ! Cependant c’est beau
De ne pas savoir d’où viennent les choses
Ni les enfants et quand les ethnologues
Se prennent pour des missionnaires
Du planning familial
De pouffer avec les sauvages.
Les enchaînements secrets
Sont plus fins. Si tu les saisis, les soulèves
Par le cou comme les serpents
Venimeux, les baguettes
Enchevêtrées, beaucoup de phrases
Sont compatibles. Leur gueule
Sous la pression des doigts s’ouvre incroyablement
Si nécessaire, un autre tube
S’encastre et toute la plomberie
S’installe avec des joints liquides.
Qu’est-ce qui donne ce matin
Aux accidents bien ponctués
Du marché, du café, du retour à la chambre noire
La cohésion d’un film? Pas la musique
Plaquée si redondante qui est la honte
Du cinéma. Une prosodie plutôt
Improvisée qui fait aussi retour
Sur soi nonchalamment. Impossible de l’arracher
À son prétexte, elle va polluer
L’air, seul reste le film
Sur les murs et la peau. Brasse coulée :
Un maillon entre deux mouvements
Entre deux eaux caché. C’est comme ça
Que cela commence, en cours de route. C’est plutôt ça
Que je dis. – Mais on n’y comprend rien
Mon pauvre ami. – Bon. Il est des intrigues
Au milieu desquelles on oublie
Le début, n’attend plus la fin : les gangsters en cavale
Se mettent en position de sumotori de papier
Sur une estrade en carton mais c’est un simple cercle
Tracé dans le sable de la plage. Alors
Des acolytes frappent le sol de leurs paumes :
Eux ils s’ébranlent toujours figés, la bobine accélère
Les spectateurs sur leur siège tremblent
Jusqu’à ce que l’un d’eux transgresse
La ligne. Du grand art. Que peux-tu faire
De mieux aujourd’hui que d’élever
À la grandeur naturelle d’un jeu sa copie miniature ?
De minuscules fragments s’étirent
Le véhicule qui nous dépanne tient par des élastiques.
Cela eut lieu sans queue ni tête
Au milieu du chemin
De notre mort. L’explorateur tardif
En pleine descente de l’Orénoque ou l’Amazone
Est pris de fièvre, il voit paralysé glisser
Un interminable serpent, l’embouchure lui paraît
Aussi lointaine que la source. Ou
Assis au milieu d’un tronc d’arbre, tiens
Il note que c’est un crocodile.
De telles choses arrivent dans la vie : à mi-course
Dans la zone indécise où pour quelques instants encore
Tout peut tout pénétrer – du moins veut-on le croire.
D’anonymes bienfaiteurs assurent la soudure
Remplissent les cases vides des étals mais il faut
Espérer que la nuit venue les godemichés s’adapteront
Sur le harnais universel. C’est comme ça
Que cela commence, comme ça
Que je l’entends pourvu qu’un chef
Ne s’avise pas de tapoter le pupitre de sa baguette
Et que l’on n’arrête aucune date.